Christophe Barge – Associé Fondateur d’IDP Partners
James Nauffray – Président Directeur Général d’OAKLand Group
La seconde guerre mondiale constitue une étape clé dans l’histoire de la donnée au cœur des conflits. Elle est en effet le point de bascule entre une ère ou l’information sert à maximiser l’utilisation des ressources à disposition, et une ère ou l’information devient l’arme principale.
Seconde guerre mondiale : Une nouvelle ère où la donnée détient l’issue du conflit
156 000 hommes, 7 000 navires, 7 500 avions…tels étaient quelques-uns des chiffres de l’opération Overlord, le plus grand débarquement de l’histoire militaire. Les généraux alliés, au premier rang desquels Eisenhower, avaient l’habitude de dire que ce débarquement était avant tout une affaire de données…Données logistiques, données météorologiques, données de contre-espionnage… La victoire militaire des alliés allait d’ailleurs, durant cette seconde guerre mondiale, bien plus largement reposer sur l’utilisation de données que sur les tactiques militaires des généraux. Avec Overlord, deux autres événements retracent l’importance de la donnée dans la victoire alliée.
Le premier fut certainement l’opération lancée par le commandement anglais pour tenter de déchiffrer la machine à coder allemande Enigma. En septembre Alan Turing, l’un des plus grands mathématiciens britanniques rejoint le manoir de Bletchey Park pour tenter de casser le code allemand. Mais le nombre de combinaisons rendues possibles par le mécanisme génial d’Enigma mettait en échec toutes les tentatives humaines, Alan Turing comprit qu’il devait avoir recours à un calculateur électronique pour démultiplier la puissance de calcul et parvenir à casser le code allemand. Il mit alors au point ce qui peut être considéré comme le premier ordinateur.
Le second des trois événements décisifs est la mise au point, dans le laboratoire secret de Los Alamos, de la première bombe atomique qui donna la victoire aux Alliés sur les japonais en aout 1945. La conception de celle-ci n’aurait pas été possible sans les milliards consacrés au projet, sans l’armée de scientifiques et d’ingénieurs dirigée par Oppenheimer, et bien sûr sans les millions de données traitées durant les simulations de mise au point.
La seconde guerre mondiale fut probablement la première dans laquelle la donnée fut aussi primordiale. Pourtant, si on survole rapidement l’histoire de la guerre, on se rend compte que celle-ci fut un élément central dès les premiers conflits et, que depuis, elle n’a de cesse de prendre de l’importance.
Depuis toujours la donnée a été primordiale dans les guerres et le maintien du pouvoir
Si l’on remonte à l’Antiquité et que l’on examine le cas de l’Empire Romain, on peut se rendre compte que la gestion de la donnée constituait la vraie différence qui permit à ses armées de dominer leurs adversaires pendant plus de 500 ans. La longévité de la suprématie de Rome tint avant tout à son organisation sans faille et à la généralisation des tactiques militaires à toutes les unités de l’armée. Ces tactiques militaires furent transmises à travers les ans par ce qui fut probablement les premières académies militaires où on analysait et transmettait la donnée recueillie sur les champs de batailles, afin que les armées romaines puissent disposer des meilleurs éléments tactiques.
Sans vouloir être exhaustif, on peut se rendre compte que tout au long de l’histoire, quand la supériorité n’est pas due à l’armement et donc la technologie, elle l’est souvent soit par les informations recueillies par des services de renseignements, soit par l’analyse en direct de celles-ci par les généraux.
Un des exemples les plus emblématiques de cette capacité d’analyse en temps réel de la donnée issue du champ de bataille est très certainement Napoléon. Lorsque l’on analyse les victoires Napoléoniennes, force est de constater que ces dernières ne sont dues ni à la supériorité technologique de ses armées, ni à une supériorité en nombre (bien au contraire, les armées impériales ont souvent combattu à 1 contre 2 ou 3). Ce qui frappe, en fait, c’est la capacité de Napoléon à analyser la bataille en temps réel et à adapter sa tactique pour arracher la victoire. Il agissait là comme un analyste de données en en temps réel, qu’il savait décrypter et analyser plus rapidement que les autres généraux, pour transmettre l’information à ses troupes.
La donnée est, comme nous l’avons vu, devenue décisive depuis la Seconde Guerre Mondiale. Les guerres modernes sont aujourd’hui totalement subordonnées au contrôle et à la transmission de la donnée. Les systèmes d’armement modernes terrestres, maritimes et aériens sont de nos jours coordonnées et organisés autour du traitement et de l’analyse de la donnée en temps réel, où l’Intelligence Artificielle joue déjà un rôle prépondérant.
Comme dans tous les autres secteurs de l’activité humaine, on peut constater que l’activité militaire a été une longue marche vers le contrôle de la donnée…
Cette série d’articles estivale se veut être un petit voyage dans l’histoire de la donnée pour revenir aux sources et pour essayer de mieux comprendre ce qu’elle est réellement aujourd’hui et tout le potentiel qu’elle détient.